L’apiculture marie l’art et la science dans l’élevage des abeilles, des créatures essentielles pour la production de miel et de cire, ainsi que pour la pollinisation des plantes. Au cœur de son histoire se distingue Karl Kehrle, mieux connu sous le nom de frère Adam, pour son approche innovante.
Frère Adam est le père de la méthode Buckfast, développant une technique de sélection avancée pour créer une souche d’abeilles à la fois robuste, productive, et facile à gérer. Ses explorations mondiales ont mené à l’établissement de l’abeille Buckfast, une version améliorée de l’Apis mellifera, aujourd’hui prisée par les apiculteurs du monde entier.
Cet article explore la vie remarquable et les contributions de frère Adam à l’apiculture, mettant en lumière son ascension en tant que moine bénédictin jusqu’à devenir une figure emblématique dans la recherche sur les abeilles.
La vie de Karl Kehrle: Des débuts à l’abbaye de Buckfast
Naissance et jeunesse de Karl Kehrle
Karl Kehrle a vu le jour le 3 août 1898 à Mittelbiberach, Allemagne, au sein d’une famille de paysans. Quatrième enfant de la fratrie, il est confronté très tôt à des problèmes de santé, tels que l’asthme et la bronchite. Sa mère, inquiète pour sa santé fragile, décide de l’envoyer en Angleterre, à l’abbaye de Buckfast, où il pourrait être pris en charge par son frère aîné, moine bénédictin. À seulement 11 ans, en 1909, Karl quitte son Allemagne natale pour l’abbaye, où il adopte le nom de frère Adam.
L’arrivée à l’abbaye de Buckfast et le début dans l’apiculture
Frère Adam s’intègre vite à l’abbaye de Buckfast, où il s’instruit en anglais, latin et grec. Son intérêt pour la nature et les animaux se fait vite sentir, tout particulièrement pour l’apiculture, dans laquelle il montre un talent naturel. Dès 1915, il prend en charge les ruches du monastère sous l’égide de frère Columban, le responsable apicole. Fasciné par le monde des abeilles, il note avec préoccupation l’impact dévastateur d’une maladie parasitaire, l’acariose, sur les colonies. Cela l’inspire à entreprendre un projet audacieux : développer une nouvelle souche d’abeilles, à la fois résiliente, productive et douce, qu’il baptisera plus tard l’abeille Buckfast.
Le développement de la méthode Buckfast
Les motivations derrière la création de l’abeille Buckfast
Frère Adam a été confronté à une sévère épreuve dans son rucher: l’acariose, causée par le parasite microscopique Acarapis woodi, affectant le système respiratoire des abeilles. Connue sous le nom de maladie de l’île de Wight, cette affection a ravagé les populations d’abeilles britanniques natives dans les années 1920. Lorsque Frère Adam a observé que les abeilles importées d’Italie et de Grèce succombaient également à l’acariose, tout en présentant d’autres problèmes tels que le pillage, l’essaimage fréquent et l’agressivité, il fut poussé à créer une nouvelle souche d’abeilles. En croisant méticuleusement les meilleures races du monde, il cherchait à obtenir des traits adaptés tant au climat qu’aux conditions particulières de l’abbaye de Buckfast.
Principes et techniques de la méthode Buckfast
Deux principes fondamentaux sous-tendent la méthode Buckfast: la fécondation dirigée et les tests de performance. La fécondation dirigée implique un contrôle rigoureux sur la reproduction des abeilles en isolant les reines et les mâles, soit géographiquement, soit dans des enclos spéciaux, pour prévenir les croisements indésirables. Quant aux tests de performance, ceux-ci permettent d’évaluer les colonies sur divers critères tels que la production de miel, la résistance aux maladies, la docilité et la propolisation, entre autres. Grâce à un système élaboré de notation et de classement enregistré scrupuleusement dans des fiches et des registres, ainsi que l’adoption de techniques novatrices comme l’insémination artificielle, la création de lignées pures et la conservation du sperme mâle, Frère Adam a révolutionné la pratique de l’apiculture.
L’impact de la méthode sur l’apiculture moderne
L’apiculture moderne doit beaucoup à la méthode Buckfast, tant sur le plan scientifique que pratique. Frère Adam a significativement enrichi la compréhension de la génétique des abeilles, grâce à ses études sur les croisements entre différentes races et sous-races d’Apis mellifera. La diffusion de l’abeille Buckfast, caractérisée par sa haute productivité, son adaptation aux climats variés, sa faible tendance à l’essaimage et sa grande douceur, constitue un avantage indéniable pour les apiculteurs du monde entier. Aujourd’hui, l’abeille Buckfast est élevée et valorisée par des milliers d’apiculteurs à travers le globe.
L’héritage et les contributions de Karl Kehrle à l’apiculture
Reconnaissance et distinctions
Frère Adam a été largement reconnu et honoré pour ses contributions notables à l’apiculture, notamment dans le domaine de la recherche et de la sélection des abeilles. En 1973, sa remarquable carrière fut couronnée par sa nomination comme Officier de l’Ordre de l’Empire britannique. L’année suivante, il a reçu l’Ordre du Mérite de la République fédérale d’Allemagne, confirmant son impact au-delà des frontières britanniques. Son expertise a également été reconnue dans le milieu académique avec la délivrance de titres de docteur honoris causa de deux institutions prestigieuses: la Faculté d’agronomie de l’Université suédoise des sciences agricoles en 1987, et l’Université d’Exeter en Angleterre en 1989. Actif dans les cercles scientifiques, il fut membre du conseil d’administration de l’Association internationale de recherche apicole. Parallèlement, il a enrichi la littérature apicole avec de nombreux articles et ouvrages, dont le célèbre “In Search of the Best Strains of Bees” publié en 1983.
Influence de la méthode Buckfast sur les pratiques apicoles mondiales
La méthode Buckfast, élaborée par Frère Adam, a eu un impact profond sur l’apiculture mondiale en démontrant l’efficacité du croisement et de la sélection des abeilles. En partageant ses connaissances et ses expériences à travers ses voyages et conférences, Frère Adam a inspiré de nombreux apiculteurs. Des disciples dévoués tels que le frère Maurice, frère Jean-Marie et frère Jean-Paul, ont poursuivi son héritage en fondant des ruchers respectivement à l’abbaye de Buckfast, à l’abbaye de Saint-Benoît-du-Lac au Canada, et à l’abbaye de Sainte-Marie-du-Désert en France.
Adaptations et évolutions contemporaines de la méthode Buckfast
La méthode Buckfast se caractérise par sa flexibilité et sa capacité d’adaptation aux défis contemporains de l’apiculture. Elle exige des apiculteurs qu’ils ajustent les croisements et les sélections en fonction des conditions locales, des maladies nouvelles, et des demandes du marché, tout en prenant en compte la diversité génétique des abeilles pour prévenir les risques de consanguinité ou de dérive génétique. Ainsi, la méthode Buckfast représente une approche innovante et respectueuse de la nature, facilitant la production d’abeilles adaptés et contribuant à la préservation de la biodiversité.
Conclusion
Frère Adam a marqué de son empreinte l’histoire de l’apiculture grâce à sa méthode novatrice Buckfast. Cette technique, fruit de sa vie dédiée à la recherche et à la sélection minutieuse des abeilles, a donné naissance à la souche Buckfast. Renommée pour sa résistance aux maladies, sa productivité et sa douceur, cette abeille continue de bénéficier à l’apiculture mondiale. L’apport de frère Adam ne s’arrête pas là : il a partagé ses connaissances approfondies avec d’autres apiculteurs et a été largement récompensé pour ses contributions significatives au domaine. Son héritage perdure, influençant toujours les méthodes apicoles à travers le monde.
Pour ceux qui s’intéressent à l’apiculture ou souhaitent approfondir leurs connaissances sur la méthode Buckfast, de nombreuses ressources sont à votre disposition. Les écrits de frère Adam, ainsi que les informations disponibles sur les sites web des ruchers de l’abbaye de Buckfast et d’autres abbayes pratiquant cette méthode, sont une mine d’or. Ces ressources vous guideront sur la manière de cultiver des abeilles de qualité en harmonie avec l’environnement et la biodiversité.